Le Daguerréotype

Le Daguerréotype, Une Image Unique

Admiration et enthousiasme emportent le public qui découvre le daguerréotype en 1839. L’image, formée par l’action de la lumière sur une plaque argentée dans la chambre noire et révélée par la chimie, surprend et fascine. Elle semble concrétiser un rêve : reproduire mécaniquement le réel sans "interprétation" de la main de l’homme. L’époque est à la nouveauté et aux changements. Progrès scientifique, machinisme et prospérité de la bourgeoisie rendent possible le succès de ce "miroir qui garde toutes les empreintes". Le procédé est pourtant complexe, coûteux et limité : le temps de pose est long et l’image obtenue ne peut être multipliée.

L'invention

Le daguerréotype naît d'une longue histoire de tâtonnements, de rencontres et d'intuitions. Niépce et Daguerre sont les héritiers - ou les concurrents - de multiples inventeurs qui ont exploré physique, optique et chimie, connu espoirs, déceptions et réussites. François Arago (afficher/masquer), député et scientifique de renom, comprend immédiatement le potentiel de la "méthode photographique". Il propose et obtient que l’État français se porte acquéreur de l’invention pour en "doter libéralement le monde entier". Les conditions du succès mondial du daguerréotype et de sa diffusion commerciale sont réunies.

Plaque daguerrienne vierge

Le daguerréotype est constitué d’une plaque de cuivre recouverte d’argent et finement polie. Après l'avoir sensibilisée, grâce à de l’iodure d’argent, on lui fait subir un traitement avec une "substance accélératrice" (iodure de brome ou bromure d’iode) qui permet de réduire le temps d'exposition à la lumière. La plaque ainsi préparée est placée dans la chambre noire pour la prise de vue. L’image enregistrée, d’abord invisible ("latente"), est révélée en l’exposant à des vapeurs de mercure au cours du développement. La plaque est ensuite rendue insensible à la lumière par des bains de fixage et de lavage. Le daguerréotype obtenu est enfin enchâssé dans un cadre de verre pour le protéger de l’air, de l’humidité et des frottements qui le détériorent irréversiblement. Le format le plus utilisé est le "quart de plaque" (environ 8 x 11 cm). ----- Plaque daguerrienne vierge - Vers 1842 Fabricant non identifié H. 10,5 cm x L. 8 x P. 0,1 cm - 30 g Inv. 99.10179.2

Boîte jumelle à ioder et à bromer

Cette boîte sert à sensibiliser les plaques. Elle comporte deux compartiments munis de cuvettes en faïence. Fixée dans un cadre coulissant au-dessus des cuvettes, la plaque est placée tour à tour face aux deux compartiments contenant l’un des cristaux d’iode, l’autre de l’eau bromée. Le couvercle de verre est retiré pour libérer les vapeurs et procéder à la sensibilisation. Des intermédiaires de châssis autorisent la sensibilisation de plaques de différents formats : de 8x11cm à 12x16cm. "Votre plaque bien belle, vous la placez dans la boite à iode [...] de 1 à 2 à 5 minutes, jusqu’à la couleur jaune clair et non orangé et de là, vous la posez immédiatement sur un vase de faïence ou porcelaine [...] où vous avez versé à l’avance [...] du bromure d’iode : on laisse 6 ou 10 minutes [...] jusqu’à la teinte beau rose clair et on passe la plaque immédiatement dans la chambre noire" (extrait d’une lettre d'Adolphe D’Hastrel (France) à Florencio Varela (Argentine) , 12 mai 1842). ----- Boîte jumelle à ioder et à bromer - Vers 1840 Fabricant non identifié H. 8 x L. 37,5 x P. 64 cm - 4,5 kg Inv. 2000.41.1

Chambre à tiroir

La chambre à tiroir est constituée de deux compartiments s'imbriquant l'un dans l'autre. Le premier, constituant la face avant de la chambre, supporte l'objectif. Le deuxième coulisse dans le premier afin d'effectuer la mise au point sur un verre dépoli situé à l'arrière. Ce verre est ensuite remplacé par un châssis dans lequel est maintenu la plaque daguerrienne à exposer lors de la prise de vue. ----- Chambre à tiroir - Vers 1845 Fabricant : Charles CHEVALIER (attribué à) H. 22 x L. 15 x P. 30,5 cm - 2,430 kg Inv. 97.9855.1

Chaise de pose

La daguerréotypie nécessitant un temps de pose relativement long, cette chaise dite "daguerrienne" permet d'immobiliser la tête de la personne à photographier. ----- Chaise de pose avec appui-tête - Vers 1845 Fabricant non identifié H. 130 x L. 50 x P. 50 cm - 15 kg Inv. 81.3819

Boîte à mercure

Cette boîte à mercure sert à développer les daguerréotypes de grand format ("pleine plaque"). Elle est en tout point identique aux modèles décrits et utilisés par Daguerre. Une lampe à alcool chauffe le mercure dans la coupelle fixée au fond de la boîte. La vapeur de mercure se dépose sur la plaque daguerrienne disposée en biais à l'intérieur. L'ouverture en demi-cercle munie d’un verre rouge inactinique permet à l'opérateur d’arrêter le développement lorsqu'il juge la lisibilité de l'image satisfaisante. ----- Boîte à mercure pour développer les plaques daguerriennes - 1839 Fabriquant non identifié H. 72,5 x L. 27,5 x P. 27,5 cm - 2,6 kg Inv. 96.9615.1

Portrait d'un homme

Afin d'éviter les altérations de l'image dues à l'humidité, aux agents polluants de l'air et aux simples frottements, le daguerréotype doit être présenté enchâssé sous un verre protecteur. Il peut ensuite être encadré comme un tableau, selon les goûts de l'époque et le pays de production. ----- [Sans titre] - Portrait d'un homme moustachu accoudé à une table - Entre 1840 et 1880 Auteur non identifié Daguerréotype colorié H. 29,5 x L. 26 x P. 2,8 cm Inv. 69.1301

Portrait d'une fillette

Comme c'est souvent le cas en Angleterre et aux États-Unis, le portrait au daguerréotype de petit format est inséré dans un écrin plus ou moins richement décoré. Ainsi protégé, il permet d'emporter sur soi l'image de l'être aimé. ----- [Sans titre] - Portrait d'une fillette avec des anglaises - Entre 1840 et 1890 Auteur non identifié Daguerréotype H. 7,1 x L. 12 x P. 0,8 cm Inv. 91.8042.17

Le monde en daguerréotypes

Du portrait au voyage, le daguerréotype connaît un essor fulgurant. En ces temps de révolution industrielle, la bourgeoisie montante aspire à se montrer, à être reconnue. Cette "image mécanique", moderne, "scientifique", moins onéreuse que la peinture, la séduit. Très vite, l'atelier d'un photographe réputé en vient à réaliser des milliers de portraits par an. Des amateurs fortunés se précipitent chez les vendeurs de matériel optique et chimique. Tels Jules Itier en Chine ou Lerebours et ses "Excursions daguerriennes", ils rapporteront des quatre coins du monde leurs "collections de vues". Médecine, astronomie, arts, s’emparent de l’invention pour observer, documenter, attester et diffuser expériences et connaissances.

Portrait d'un homme barbu

La précision et la netteté du daguerréotype expliquent la fascination qu'il provoque et son succès commercial dans le domaine du portrait. Dès 1840 des ateliers de portraitistes se multiplient rapidement en Europe et aux États-Unis. Jules Janin, critique et écrivain, est conquis : " [...] Toutes ces choses, grandes ou petites qui sont égales devant le soleil, se gravent à l'instant même dans cette espèce de chambre obscure qui conserve toutes les empreintes. Jamais le dessin des plus grands maîtres n'a produit de dessin pareil. Si la masse est admirable, les détails sont infinis" ("Le Daguerotype" [sic] dans la revue L'Artiste, novembre 1838 - avril 1839). ----- [Sans titre] - Portrait d'un homme barbu - Vers 1850 Auteur non identifié Daguerréotype H. 15,3 x L. 13,2 cm Inv. 70.1538.1

Portrait d'un homme qui écrit

La mise en scène de ces premiers portraits est très importante. La société bourgeoise, qui adopte le daguerréotype comme moyen de "se montrer", met en avant son statut social. L'atelier du photographe devient vite un lieu mondain. Madame Gelot-Sandoz, une des rares femmes daguerréotypistes possédant un studio à Paris, vante sur ses publicités des "PORTRAITS PHOTOGÉNIQUES à l'ombre par tous les temps. Par Mme. GELOT-SANDOZ Boulevard Poissonnière, 2 PARIS." ----- [Sans titre] - Portrait d'un homme qui écrit - Entre 1844 et 1845 Madame GELOT-SANDOZ Daguerréotype H. 15,2 x L. 12,7 cm Inv. 72.1864.1

Portrait d'une famille

Les mises en scène stéréotypées, la rigidité des traits due au temps de pose de plusieurs dizaines de secondes donnent souvent au modèle un air sévère à la limite de la grimace. Ceci à la plus grande joie des humoristes de l'époque qui comparent la séance de pose à une scène de torture. Les bijoux sont ici retouchés à la peinture dorée (bronzine). ----- [Sans titre] - Portrait d'une famille - Vers 1850 Auteur non identifié Daguerréotype légèrement colorié H. 19,5 x L. 15,5 cm Inv. 2005.0.18

Enfant assise

Image unique, coûteuse et fragile, le portrait au daguerréotype est parfois inséré dans un écrin décoré. Le coloriage ne cesse de provoquer des réactions : "Au point de vue de l’art c’était laid, c’était atroce ; les gens de goût et un peu nerveux hurlaient en le voyant, mais cela plaisait fort au bourgeois qui, pour six ou dix francs, possédait un portrait sur argent et colorisé ; un monument de famille" note Alexander Ken en 1864 dans ses Dissertations historiques, artistiques et scientifiques sur la photographie. ----- [Sans titre] - Enfant assise sur un fauteuil bleu - Vers 1850 Auteur non identifié Daguerréotype colorié H. 9,2 x L. 16 cm Inv. 2005.0.22

La cathédrale d'Amiens

En 1839, Jules Janin, critique et écrivain, décrit les applications possibles de cette "immense découverte" : "Le Daguerotype est destiné à reproduire les beaux aspects de la nature et de l'art, un peu près comme l'imprimerie reproduit les chefs d'œuvre de l'esprit humain. [...] c'est un miroir qui garde toutes les empreintes ; c'est la mémoire fidèle de la pensée de tous les monuments, de tous les paysages de l'univers ; c'est la reproduction incessante, spontanée, infatigable, des cent mille chefs-d'œuvre que le temps a renversés ou construits sur la surface du globe. Le Daguerotype sera le compagnon indispensable du voyageur qui ne sait pas dessiner, et de l'artiste qui n'a pas le temps de dessiner" (extrait de "Le Daguerotype" [sic] in L'Artiste, Novembre 1838 - avril 1839). ----- [Sans titre] - La cathédrale d'Amiens - Vers 1843 Auteur non identifié Daguerréotype H. 27 x L 31,5 cm Inv. 67.917.1

La Grande galerie du Louvre

Jules Janin explique sa fascination pour le procédé : "Nous avons vu ainsi reproduits les plus grands monuments de Paris, qui, cette fois, va devenir véritablement la ville éternelle. Nous avons vu le Louvre, l'Institut, les Tuileries, le Pont-Neuf, Notre-Dame de Paris [...] et dans chacun de ces chefs d'oeuvre, c'était la même perfection divine." (extrait de "Le Daguerotype" [sic] in L'Artiste, Novembre 1838 - avril 1839). Cette vue du Louvre a été prise coté Seine, avant l'ouverture des guichets et les aménagements entrepris par Napoléon III. ----- La Grande Galerie du Louvre - Février 1849 Marie Charles Isidore CHOISELAT et Stanislas RATEL Daguerréotype H. 31,5 x L. 36,5 cm Inv. 88.6744.2

Vue de la Seine à Paris

Samuel F. B. Morse, peintre, physicien et inventeur du télégraphe, le premier à divulguer la daguerréotypie aux Etats-Unis, écrit, peu après sa rencontre avec Daguerre, dans le journal New York Observer paru le 20 avril 1839 : "les objets en mouvement ne laissent aucune empreinte. Le boulevard, bien que constamment parcouru par un flot de piétons et d'équipages, était parfaitement désert [...]". En effet, le temps de pose des premiers daguerréotypes étant de plusieurs minutes, seuls les monuments et les éléments statiques peuvent se fixer sur la plaque. La capitale française, lieu d'invention du procédé, est certainement le sujet qui a été le plus daguerréotypé. ----- [Sans titre] - Vue de la Seine à Paris - Vers 1839 Louis Jacques Mandé DAGUERRE (attribué à) Daguerréotype H. 33 x L. 37,5 cm Inv. 88.6795.1

Grande pagode de la ville chinoise à Macao

Alphonse Jules Itier, inspecteur des douanes, a peut-être appris la daguerréotypie auprès de Daguerre. En 1843, il accompagne l'ambassadeur De Lagrenée chargé par le roi Louis Philippe de négocier un traité commercial entre la Chine et la France. Il explique : "Je m'étais muni d'un daguerréotype, et le bonze me permit de le poser sur l'autel pour prendre l'intérieur de la porte principale ornée de colonnes torses en granit sculpté. La façade est couverte de caractères chinois ciselés dans le granit ; la peinture s'y marie avec succès à la sculpture, et le tout rappelle ce genre de décorations en usage chez les Égyptiens, dont la plupart des tentes conservent encore à l'intérieur les couleurs qui recouvrent les hiéroglyphes taillés en creux dans la pierre" (Journal d'un voyage en Chine 1843,1844,1845,1846). ----- Porte de la Grande Pagode de la ville chinoise à Macao - 6 juillet 1844 Jules Alphonse Eugène ITIER Daguerréotype H. 17 x L. 21 cm Inv. 90.7683.3

Portrait d'un chien

Les temps de pose de plusieurs secondes expliquent la rareté des daguerréotypes représentant des animaux vivants. Afin d'éviter les zones floues sur l'image découlant des mouvements du chien ici photographié, il est fort probable que son maître se soit tenu à ses côtés. Cette astuce nécessaire à la qualité du daguerréotype est révélatrice des limites du procédé qui ne peut capter l'instantané. ----- [Sans titre] - Portrait d'un chien - Entre 1845 et 1850 Auteur non identifié Daguerréotype H. 14,7 x L. 18,2 cm Inv. 2007.19.3

AUX PREMIERS TEMPS DE LA PHOTOGRAPHIE : LE DAGUERRÉOTYPE
Extraits de l'exposition "Histoires de photographies" à découvrir dans son intégralité sur www.museedelaphoto.fr, le site du musée français de la Photographie.

LE DAGUERRÉOTYPE, UNE IMAGE UNIQUE
Admiration et enthousiasme emportent le public qui découvre le daguerréotype en 1839. L’image, formée par l’action de la lumière sur une plaque argentée dans la chambre noire et révélée par la chimie, surprend et fascine. Elle semble concrétiser un rêve: reproduire mécaniquement le réel sans "interprétation" de la main de l’homme. L’époque est à la nouveauté et aux changements. Progrès scientifique, machinisme et prospérité de la bourgeoisie rendent possible le succès de ce "miroir qui garde toutes les empreintes". Le procédé est pourtant complexe, coûteux et limité : le temps de pose est long et l’image obtenue ne peut être multipliée.

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