Musée français de la Photographie

Le couple négatif-positif

Alors que le daguerréotype commence à peine à se répandre, d'autres techniques voient le jour. Le "calotype" de l'Anglais Talbot, procédé négatif-positif sur papier, ouvre la voie à un progrès capital. Recouverte de grains d'argent qui noircissent à la lumière, sa feuille produit une image en "négatif". Les parties claires du sujet y deviennent sombres et inversement. Une autre feuille, exposée au contact de ce cliché, devient l'épreuve finale, "positive". Ainsi, un seul négatif peut donner naissance à de multiples tirages.

Négatifs sur papier salé : Tortose (Syrie), ancienne église Notre-Dame

Le calotype est le premier procédé qui permette d'obtenir à partir d'un négatif une infinité de positifs. Il est mis au point en 1841 par l'Anglais W.H. Fox Talbot. Simple feuille de papier enduite de nitrate d'argent puis trempée dans de l'iodure de potassium, le calotype s'utlise aussi bien sec qu'humide. Le temps de pose peut varier de quelques secondes à plusieurs minutes en fonction de la qualité de l'argent employé et des conditions de luminosité lors de la prise de vue. Le négatif est ensuite développé dans un mélange d'acide gallique et de nitrate d'argent (aussi appelé par Talbot "solution de gallo-nitrate d'argent"), lavé et fixé avec du bromure de potassium ou du thiosulfate de sodium.

Épreuves sur papier salé : Tombeau d'Absolom, Jérusalem

Version positive du calotype, le tirage sur papier salé doit son nom à sa composition même. En effet, le papier photographique est d'abord baigné dans une solution saline avant d'être sensibilisé au nitrate d'argent, fixant ainsi chimiquement les grains d'argent dans les fibres du papier. Il suffit ensuite de le mettre en contact avec le négatif dans un châssis-presse et d'exposer l'ensemble à la lumière pour que l'image apparaisse par noircissement direct. L'épreuve est enfin fixée, puis lavée. Ces opérations sont parfois précédées d'un "virage" à l'or qui modifie les teintes et assure une plus grande stabilité dans le temps.

Négatifs sur plaques de verre au collodion : Lièvre et gibier à plumes

Le procédé négatif au collodion est inventé par Frederick Scott Archer (1813-1857) en 1851. Mélange de nitrate de cellulose (ou coton-poudre), d'alcool et d'éther, il est appliqué encore humide sur une plaque de verre juste avant la prise de vue et le développement. En effet, le collodion présente l'énorme inconvénient de n'être plus sensible aux révélateurs une fois sec. Cette contrainte oblige les photographes voyageurs à transporter jusqu'à plusieurs centaines de kilos de matériel. Pourtant, le collodion possède d'incontestables atouts. Plus sensible à la lumière que le calotype, il permet d'atteindre un temps de pose avoisinant la seconde. Le support verre, beaucoup plus lisse que le support papier, garantit des clichés d'une plus grande finesse. À tel point que le collodion sera utilisé pendant une trentaine d'années, jusqu'à l'apparition du gélatino-bromure d'argent en 1880.

Épreuves sur papier albuminé : Biskra, Mosquée d'Aba es Rhaman

Depuis le siècle des Lumières, les pays et les cultures du bassin oriental de la Méditerranée fascinent les artistes. Il n'est donc pas étonnant qu'il en soit ainsi des premiers photographes. La photographie en Orient revêt deux aspects principaux : une pratique individuelle d’amateurs et un produit de plus grande diffusion, commercialisé sur place. Nourrissant des fantasmes dans la bourgeoisie européenne, ces clichés vont peu à peu transformer le paysage local. L'Égypte, la Turquie, la Palestine ou encore l'Algérie deviennent des destinations privilégiées pour un public que l'on ne qualifie pas encore de "touristique", alléché par ces images exotiques. La vogue de la photographie orientaliste subsistera jusqu'à la fin du XIXe siècle.

Épreuves sur papier albuminé : Bazar Mouradié (Istanbul)

Les pays du Moyen-Orient voient fleurir les ateliers photographiques dès les années 1860. Grâce à l'invention du collodion, la commercialisation de masse des clichés est devenue possible. Le rêve oriental qui s'empare de la bourgeoisie de l'époque incite les photographes européens à s'installer sur place : Hammerschmidt au Caire, Bonfils à Beyrouth, Sebah à Constantinople... Tous les pays du bassin méditerranéens sont investis. Les frères Abdullah sont parmi les premiers photographes locaux à ouvrir un atelier. Turcs d'origine arménienne, installés à Constantinople, les trois frères étaient les photographes officiels des sultans Abdul Haziz et Abdul Hamid II. Ils furent chargés par ces derniers d'une campagne photographique couvrant toutes les provinces de l'Empire ottoman. Ils participèrent à diverses expositions en Europe, dont l’Exposition universelle de 1878 à Paris.

Épreuves sur papier albuminé : Pont des Soupirs (Venise)

Les procédés photographiques de la fin du 19e siècle sont de plus en plus performants. Temps de pose raccourci, finesse du rendu des détails, stabilité de l'image sont autant de progrès. Reste que les couleurs naturelles des sujets photographiés sont toujours insaisissables. L'une des parades employées par les photographes consiste à colorier les tirages. Ici, c'est l'aquarelle qui a été utilisée.

Épreuves sur papier albuminé : Pyramide de Khéops (Le Caire)

Ce tirage met en lumière l'immuabilité des sujets photographiés à travers l'histoire. Si cette vue de la pyramide de Khéops date de la fin du 19e siècle, elle pourrait tout aussi bien avoir été prise aujourd'hui. Soigneusement organisées dans des albums, conservées en vrac dans des boites à chaussures, les photographies constituent une sorte de mémoire universelle où, parfois, à peu de nuances près, on retrouve les mêmes images de célèbres monuments ou de paysages remarquables. Comme si le photographe tentait de faire coïncider le "pour toujours" de son image avec l'éternité du monument.

De nouveaux supports s'imposent pour le négatif et le positif, quand le matériel reste lourd et encombrant.

À partir des années 1850, les perfectionnements constants des procédés négatif-positif assurent leur domination… Jusqu'à l'apparition du numérique ! Négatif transparent sur plaque de verre et tirage sur un papier rendu lisse et brillant par une couche d'albumine semblent la combinaison idéale. En offrant des images nettes et bien contrastées, la nouvelle invention allie les qualités des procédés antérieurs. Pourtant, réaliser une photographie n'est pas encore chose aisée. La préparation de la plaque, la prise de vue et le développement du négatif doivent s'enchaîner rapidement et nécessitent un matériel conséquent.

La photographie en extérieur : Laboratoire de voyage

De fabrication française, ce laboratoire de voyage n’a d'américain que le nom. Jusqu’à la création de ce matériel, la photographie en extérieur relève de l’exploit tant dans le déplacement que dans les manipulations. Pour surmonter ces obstacles, Jonte et Domenech créent le laboratoire de voyage. Celui-ci se compose d’un appareil et de l’ensemble des accessoires nécessaires à la prise de vues. À prix modéré, cette invention qui est destinée au professionnel comme à l’amateur, se présente sous forme d’un "colis parfaitement portatif". Il peut être utilisé pour la réalisation de paysages, de portraits… en extérieur ou en intérieur.

photographie en extérieur : Chambre à tiroir pliante

Très tôt, les fabricants ont cherché à diminuer le poids et l'encombrement des chambres photographiques utilisées en extérieur. Ainsi, l'anglais Thomas Ottewill propose en 1853 cette chambre à tiroirs, qui, une fois pliée, mesure seulement 8 cm d'épaisseur.

La photographie en extérieur : Chambre à tiroir pliante (démontée)

Chambre Ottewill démontée : objectif, corps de la chambre, platine porte-objectif, châssis à verre dépoli pour la mise au point.

La photographie en extérieur : Station à la campagne

Le photographe, son assistant et leur tente laboratoire de campagne. Le photographe devait, à l'abri de la lumière, enduire une plaque de verre d'un mélange d'argent et d'une substance collante : le collodion. Insérée dans un châssis la plaque était ensuite exposée dans la chambre photographique pour la prise de vue. Puis elle était développée dans l'obscurité. Le négatif sur verre ainsi obtenu pouvait être emporté dans l'atelier du photographe pour réaliser des épreuves sur papier. Dans ce procédé, le collodion doit impérativement rester humide de l'étape de la préparation de la plaque à celle du développement du négatif. Pour cette raison, la prise de vue ne pouvait se faire qu'à proximité d'un laboratoire ambulant. Le texte accompagnant cette gravure précise que la tente laboratoire ne pèse que quatre kilos et peut-être montée en dix minutes par un seul homme.

Les appareils-laboratoires : Le photographe de poche

Le mode d'emploi indique : "Appareils photographiques Dubroni à l'usage de tous pour opérer sans laboratoire en plein air, dans un salon ou en voyage. De tous les appareils photographiques perfectionnés jusqu'à ce jour, l'appareil Dubroni est, sans contredit, le plus portatif et le plus économique; il permet, en outre, de ne pas se tacher les doigts et d'opérer en pleine lumière, sans l'addition d'aucune espèce de laboratoire. [L'appareil abrite] une chambre en verre jaune, dans laquelle on introduit les bains photographiques au moyen de petites pipettes en caoutchouc, très faciles à manier. On fixe l'objectif sur le sujet qu'on veut reproduire, on l'éloigne ou on le rapproche comme avec une lorgnette. Les personnes qui connaissent déjà la photographie comprendront tout de suite les avantages que leur offre un semblable appareil, et n'hésiteront pas à en conseiller l'acquisition aux amateurs désireux d'apprendre la photographie, sans se tacher les doigts et à peu de frais."

Les appareils-laboratoires : Photographie de salon

Extrait du mode d'emploi :
"a) Réglage de l’appareil installé sur le pied. Cadrage dans le dépoli et mise au point ;
b) Sensibilisation de la plaque. Nettoyer très soigneusement une glace vierge, la dépoussiérer avec un petit pinceau. A la lumière du jour, la collodionner, glisser la plaque dans l’appareil et recouvrir du bouchon l’objectif. Introduire avec la poire de la pipette, sans aucune éclaboussure, le bain d’argent . Récupérer l’excès de liquide avec un entonnoir et un papier filtre. Bien agiter l’appareil une fois la plaque sensibilisée;
c) Immédiatement prendre la photo. On peut mesurer cette durée avec une montre, sinon au sablier, ou encore en prononçant lentement le mot « photographie » autant de fois que de secondes ;
d) Aussitôt exposée, développer la plaque dans l’appareil en y versant sans éclaboussures le bain de fer dilué 7 fois d’eau pure.
e) Sortir de l’appareil la plaque et la fixer à l’hyposulfite de soude. La laver et la sécher. Vernir la plaque terminée".

Les appareils-laboratoires : Photographie de salon

Contenu de la boîte.

AUX PREMIERS TEMPS DE LA PHOTOGRAPHIE : NÉGATIF ET POSITIF Extraits de l'exposition "Histoires de photographies" à découvrir dans son intégralité sur www.museedelaphoto.fr, le site du musée français de la Photographie.